
Escale en Mauritanie
Déjà, il y a 40 ans, le Front Polisario avait créé tout un réseau de pirates avec zodiac 1/2 rigide, moteur puissant et rapide, et mitrailleuse. Le jeu consistait à intercepter, au large du Cap Blanc, les bateaux de passage (cargos, pétroliers et plaisanciers), tuer tout le monde à bord afin qu’il n’y ait pas de témoins, puis couler le bateau. Aujourd’hui, les pirates sont plus organisés, aussi la marine nationale française a mis en place un dispositif anti-pirates. Malgré tout, ne soyez pas étonnés de ne plus voir Sterenn sur votre ordinateur un peu avant l’arrivée au Cap Blanc, c’est une mesure de sécurité.
POUR INFO, LA BALISE RESTERA MUETTE A L’APPROCHE DE LA MAURITANIE
Traversée Fuerteventura – Nouakchott
Avec des vents arrière ou grand largue, donc N ou NE, sous Génois, les jours se suivent au même rythme : 9h du matin, bilan de la navigation des dernières 24h, comparaison de l’estime et du point GPS, et recalage de la route pour la journée. Les navigateurs restent éloignés des côtes du Sahara Occidental et de la Mauritanie, de 80Mn. A hauteur du Cap Blanc, ils mettent le cap sur Nouakchott, au 140°. Toutes les navigations de nuit se font sans feux, en utilisant au minimum les ressources électriques.
Samedi 6 Octobre 2018 : Danger pirates théoriquement écarté. Sterenn et son équipage recommencent à émettre leur position. Tout va bien à bord.
Fabien, proche du Cap Blanc :
Latitude19° 19,9’ Nord – Longitude 17° 13,3’ Ouest.
La côte mauritanienne est sur notre Est, à vol d’oiseau à environ 40 nautiques, c’est alors que je vois deux papillons roses envoyés jusqu’à nous par le vent du Nord. S’ils suivent leur instinct et veulent gagner la côte au plus court, ce sera un trop grand effort pour leurs petites ailes. Les papillons font preuve de sagesse et dès qu’ils sont fatigués, ils se posent sur une voile ferlée et s’accrochent au bateau : ils font confiance au capitaine. Je me dis que s’ils continuent à choisir la confiance, ils seront à Nouakchott demain. Cela représente une belle escapade de 100 miles nautiques (200 km environ) ; pas mal pour des papillons !
Vraiment, je me sens bête ! J’ai si peur que je continue à vouloir tout gérer par moi-même.
Moi qui suis un homme intelligent, oserais-je un jour, comme le font ces papillons, faire le choix de la confiance ?
Lundi 8 Octobre : Pour boucler le périple vers Nouakchott, L’équipage a 2 jours de vent faible et pétole.
Le premier jour, le moteur ne démarre pas, mais le deuxième, après plusieurs tentatives, il finit par tourner, et les navigateurs arrivent de nuit au mouillage, sur la plage à côté du port de l’Amitié.
Mardi 9 : Après une nuit mouvementée au mouillage, n’ayant pas dormi à cause de la houle, des rouleaux et du ressac sur la plage, nous décidons d’entrer dans le port. Le port de l’Amitié est un port minéralier pour gros cargos et porte-conteneurs ; il n’est accessible ni aux pêcheurs, ni aux plaisanciers. Mais nous sommes en panne de moteur et, depuis deux jours, le panneau solaire ne charge plus ; nous ne pouvons plus utiliser ni feux, ni GPS car les batteries sont vides.
Branle-bas de combat à 7h du matin : appel à la VHF sur le canal 16 pour signaler que nous sommes en difficulté : Sécurité Sécurité Sécurité… en français.
Nous appareillons sous voile en attendant une réponse de la Sécurité ou de la Capitainerie du port : rien !
Après une demi-heure, nous apercevons une embarcation de la Marine Nationale qui vient vers nous. L’officier nous demande si nous avons le droit d’être là, puis nos papiers et les papiers du bateau, enfin il propose de nous remorquer à couple sans pare-battage, juste un vieux pneu pour amortir les chocs. Nous refusons de lui communiquer nos papiers ainsi que son assistance en lui faisant comprendre que nous allons au port à la voile.
Finalement, la Capitainerie nous donne l’autorisation d’entrer et nous transmettons l’accord au bateau qui nous accompagne. Nous entrons dans le port, au milieu de pélicans et de poissons morts : ça empeste ! La Capitainerie nous demande de mouiller là où ça ne gêne pas les autres bateaux, sans préciser où.
Après avoir mouillé, le comité d’accueil revient nous redemander nos papiers. Heureusement pour nous, le français est seconde langue officielle en Mauritanie et nous arrivons à nous expliquer.
Dans l’après-midi, Ali (électricien) et Mohammed (motoriste) viennent nous aider : le régulateur du panneau solaire est défectueux (c’est trouvable sur le marché local), et pour le moteur, frère Abel n’est pas chaud pour le descendre à terre.
Nous passons notre première nuit au port, entourés de poissons morts. Une ambiance à vous mettre le bourdon !
Mercredi 10 : Ali débarque le moteur qui est de retour dans l’après-midi et semble fonctionner. Le régulateur du panneau solaire est remplacé par un plus puissant. Les batteries chargent, tout va bien. Les navigateurs prévoient de partir dès le lendemain matin pour le Sénégal.
Ali et Mohammed les invitent à venir déguster chez eux un Thiéboudienne, plat traditionnel mauritanien mais craignant l’incident diplomatique, ils préfèrent ne pas débarquer. Finalement, c’est un ami sénan de frère Abel qui vient les chercher pour faire quelques achats et dîner chez lui. Son épouse leur a préparé un repas délicieux ; quel bonheur après 10 jours en mer !
Nouakchott : 1,4 millions d’habitants, une ville étendue sur plus de 40km, beaucoup de taudis et de bidonvilles, pas d’infrastructures routières, la route est un danger de tous les instants, les animaux (chèvres, moutons, ânes) sont nourris avec du carton.
Les Chinois sont très présents et ont trouvé que les os d’âne étaient aphrodisiaques. Les ânes qui assuraient une petite activité et une subsistance à une partie défavorisée de la population, sont en voie de disparition.
L’islamisation radicale, la précarité croissante, le manque de ressources, la corruption, mettent le pays en grande souffrance.

Dans les ports des Canaries, les rumeurs vont bon train ! On parlait beaucoup de piraterie sur les côtes d’Afrique. En fait, nous l’apprenons ce soir-là, il n’y a pas eu d’attaque de plaisanciers depuis plusieurs années sur les côtes de Mauritanie.
Jeudi 11 Octobre : Sterenn et son équipage partent le matin à 10h françaises, direction Dakar, pour mouiller au sud de l’île de Ngor, peut-être.