
Escales au Cap-Vert
Extraits du Journal de bord de Fabien :
Jeudi 1er Novembre 2018 : Au lever du jour, mes “jambes de mer” ne sont pas encore faites et je ne suis pas loin du mal de mer ! Pas d’appétit. Nous essayons de nous reposer tant bien que mal car le programme est sur “lavage” dans le cockpit et “essorage à 1200 tours” à l’intérieur du bateau !
Vendredi 2 : Toujours pas faim, juste un pamplemousse partagé, une orange chacun et un peu d’eau agrémentée du sirop local de bouye (fruit du baobab).
Samedi 3 : Le même programme machine est enclenché pour samedi et dimanche, et les quarts se passent à l’intérieur du bateau pour ne pas fatiguer mes fesses car mes escarres demandent des soins attentifs. Il est important de soigner tous les bobos qui se creusent à l’eau de mer car pour une traversée dans ces conditions, cela ne le fera pas !
Frère Abel s’inquiète pour son coéquipier dont les nombreuses plaies ne cicatrisent pas et il souhaite gagner rapidement l’hôpital de Praia de Santiago aux îles du Cap-Vert pour que Fabien soit soigné énergiquement. Ils resteront quelques jours, le temps qu’il faudra.
Dimanche 4 Novembre : L’île de Santiago est en vue et frère Abel se sent soulagé ; Fabien qui n’est pas loin de la septicémie, va pouvoir être soigné à l’hôpital de Praia.
Nous embouquons à la tombée de la nuit l’entrée de la baie axée plein Nord ; nous sommes bout au vent et avons besoin du moteur qui ne démarre pas !
Frère Abel tire des bords entre les cargos mouillés en rade, pendant 1/2 heure, le temps que Fabien, vraiment mal en point, arrive à calmer le moteur qui accepte de les mener vers le port, toussant et crachotant. En fait, un mécanicien trouvera enfin la panne, en Guadeloupe !, et les navigateurs auront fait toute cette traversée sans disposer d’un moteur fiable.
Depuis quarante ans que frère Abel n’a pas navigué dans les îles du Cap-Vert, la situation s’est beaucoup dégradée. L’arrivée de nombreux coopérants européens a amené délinquance et prostitution. Aujourd’hui, dans le port de Praia, même la nuit, quelqu’un peut arriver à la nage, monter à bord, visiter le bateau et agresser l’équipage ! C’est déjà arrivé plusieurs fois.
Premier vrai repas depuis cinq jours, et au calme de surcroit.
Fabien, arrivée à Praïa de Santiago – Cap Vert :
Dans quelle galère me suis-je mis ? Depuis la Casamance, les piqûres de moustiques, les blessures aux jambes et un érythème fessier non seulement ne cicatrisent pas mais s’aggravent sous l’effet du soleil, de l’eau de mer, de la transpiration.
Frère Abel m’invite à choisir de rentrer en France par avion ou de continuer si mon état le permet.
Pourquoi un tel besoin de souffrir ? Ne suis-je pas encore quelque peu maso ? De quoi suis-je capable ? Suis-je « à la hauteur » ? A la hauteur de quoi ? De qui ? Ai-je confiance en moi-même ? Vaste problème !
Je souffre en silence et m’agite intérieurement en espérant trouver une solution pour pouvoir continuer. Allez, j’y vais, je continue !
Abel : Mais quand donc les nains qu’il a dans la cafetière vont-ils cesser de s’agiter ?!
Au matin, les navigateurs sont accueillis par un couple Bordelais-Bretonne, Joël et Béatrice, super sympas, sur leur catamaran pour un petit-déjeuner : “café au lait et pain grillé-beurre-confiture”, précise Fabien.
Ce couple œuvre pour VSF (Voiles Sans Frontières) et a transporté des brassières de sauvetage pour les offrir aux marins pêcheurs sur le delta du Sine-Saloum.
VSF fait un magnifique travail en associant le monde maritime à des actions de solidarité, afin de venir en aide à des populations isolées et accessibles uniquement par voies maritimes et fluviales, comme au Sine-Saloum.
Pascal, Christelle et Laura arrivent sur leur monocoque “Amn’ sthesie” pour repartir mercredi soir.


Comme le montre la photo ci-contre, les plaies de Fabien commencent à sécher (chlorure de magnésium en interne et externe, pyrogenium, antibio, lavage, désinfection, pansements à l’argent, etc.), tout est mis en œuvre grâce aux soins et à l’aide de Eline, une infirmière sur un bateau voisin.

Mercredi 7 : Arrivée de Diego et Mathieu, deux jeunes belges de 18 et 20 ans, qui naviguent sur un Océanis 411 prêté par quelqu’un qu’ils n’ont jamais rencontré ! Diego et Mathieu partent pour la Gambie vendredi et prévoient de faire la traversée vers les Antilles ensuite.
Super ces jeunes !
Jeudi 8 : Surprise ! Un premier bateau de “Cap Vrai” (l’association qui avait accueilli “Hisse et Aime” au Salon Nautique en décembre dernier) arrive et deux autres suivent pour une escale de 2-3 jours. Leur objectif, c’est Panama pour voir le Pape à l’occasion des JMJ (Journées Mondiales des Jeunes chrétiens).
Samedi 10 Novembre : Frère Abel et Fabien vont à la messe organisé par “Cap Vrai” en la cathédrale de Praia. Ils retrouvent Thierry Pichon, chef de bord sur un 18m où il vient d’embarquer Jules, un jeune de 20 ans, jusqu’à Mindelo, île de San Vincente. Jules fait du bateau-stop pour la première fois de sa vie !
Nous retrouverons Jules et Pascal en Guadeloupe, le jour de Noël, et nous hébergerons Jules durant huit jours, sur un bateau de 12m qui nous aura été prêté. Jules pourra se souvenir du temps passé avec nous pendant cet hiver 2018/2019.



Mardi 13 : Départ pour l’île de Brava, loin de la pollution du port de pêche de Praia, afin que les plaies de Fabien puissent cicatriser au mieux.
Certainement, les navigateurs-pèlerins n’appareilleront pas, comme prévu, le 11 novembre, jour commémoratif de l’Armistice, mais quelques jours plus tard.

Samedi 17 Novembre 2018 au matin : VOILA, C’EST LE GRAND SAUT… ET C’EST PARTI POUR 3 SEMAINES ENVIRON !